Extrait tiré du livre "Le jour des Fourmis" de Bernard Werber.

C'est un conte chinois

Il était une fois deux moines qui se promenaient dans le jardin d'un monastère taoïste. Soudain, l'un des deux aperçut par terre un escargot traversant leur chemin. Son compagnon était sur le point de l'écraser par inadvertance quand il retint à temps. Se baissant, il ramassa l'animal.
- "Regarde, nous avons failli tuer cet escargot. Or cette bête représente une vie et, à travers elle, un destin qui doit se poursuivre. Cet escargot doit survivre et continuer ses cycles de réincarnation."
Et, délicatement, il repose l'escargot dans l'herbe.
- "Inconscient ! s'exclama, furieux, l'autre moine. En sauvant ce stupide escargot, tu mets en péril les salades que notre jardinier cultive avant tant de soin. Pour sauver on ne sait qu'elle vie tu anéantis l'oeuvre d'un de nos frères."

Tous deux se disputèrent alors sous l'oeil curieux d'un autre moine qui passait par là. Comme ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord, le premier moine proposa :
- "Allons référer de cette affaire au grand prêtre, lui seul sera assez sage pour décider qui de nous deux a raison."
Ils se rendirent donc chez le grand prêtre, toujours suivis par le troisième intrigué par cette affaire.

Le premier moine raconta comment il avait sauvé un escargot et donc préservé une vie sacrée, recelant des milliers d'autres existences futures ou passées.
Le grand prêtre l'écouta, hocha la tête, puis énonça :

- "Tu as fait ce qu'il convenait de faire. Tu as eu raison."
Le second moine bondit.
- "Comment ? Sauver un escargot dévoreur de salades, dévastateurs de légumes, serait une bonne chose ? Il fallait au contraire écraser l'escargot pour protéger ce potager grâce auquel nous avons chaque jour de bonnes choses à manger !"
Le grand prêtre écouta, hocha la tête et énonça :
- "C'est vrai. c'est ce qu'il aurait convenu de faire. Tu as raions."
Le troisième moine, qui était resté silencieux jusque-là s'avança :
- "Mais leurs points de vue sont diamétralement opposés ! Comment pourraient-ils avoir raison tous les deux ?".
Le grand prêtre considéra longuement ce troisième intervenant. Il réfléchit, hocha la tête et énonça :
- "C'est vrai. Toi aussi, tu as raison."


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